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livres libres
3 avril 2008

Les Bienveillantes

LITTLE, Jonathan.  Les Bienveillantes. Editions Gallimard, 2006. 903 p.

207078097XLes Bienveillantes c'est l'histoire de Maximilien Aue, un officier SS que l'on va suivre dans le sillage sanglant de l'extermination des juifs d'Europe de l'est, dans l'enfer de Stalingrad et ensuite durant les derniers soubresauts du Reich à Berlin.  Aue est cultivé, brillant mais cynique, froid, un nazi pur et dur.  S'il s'interroge parfois sur l'utilité et la pertinence de certains ordres, il ne remet pas en cause l'idéologie qu'il sert.  Si l'officier semble au début conserver une part d'humanité, au fur et à mesure du récit il devient de plus en plus brutal, asocial et proche de la folie.  Quel livre éprouvant que Les Bienveillantes, on ressort sonné, écoeuré de cette lecture.  En premier lieu suivre ce récit est inconfortable car Aue même s'il tente de rapporter fidèlement ce qui s'est passé (selon son point de vue) essaye souvent de minimiser ses actes et leurs portées.  Il sous-entend souvent que nous aussi, dans des circonstances similaires nous aurions agis de la même manière.  Mais ce n'est pas tant dans ce propos que Little se montre original, en effet ce n'est pas la première fois que la parole est ainsi donnée à un bourreau nazi (La mort est mon métier de R.Merle adopte également ce point de vue).  Non, Les Bienveillantes a une portée plus grande.  Aue est intelligent, il n'a pas commis les actes qu'il a commis parce qu'il était acculé; c'est un SS, et il n'ignorait donc pas la finalité de l'idéologie qu'il avait embrassée dans sa quête d'absolu et de pureté.  Ce choix du Mal et sa banalisation était réfléchi; et finalement pour un constat tout à fait absurde.  C'est quand il prend conscience de cette absurdité qu'il se laisse complètement aller dans l'horreur.  Les règles habituelles qui sont sensées régir les rapports entre les êtres humains sont complètement abolies et la vie ne semble alors n'avoir plus aucun sens.

Certains passages de l'ouvrage sont vraiment insoutenables et très crus, heureusement Little alterne ces descriptions avec des passages plus "neutres", ses descriptions des paysages ukrainiens par exemple sont bien réussies.   Le début  du récit peut paraître fastidieux, l'évocation des différents grades et institutions nazies est un peu lourde mais contribue à créer un climat particulier.  Je crois en effet que l'auteur en étant si pointilleux montre ainsi combien la bureaucratie nazie était perverse.  En multipliant les grades et les services de manière imbécile, elle noyait et diluait les responsabilités et au bout du compte personne n'était plus responsable de rien.  Aue ne monte pas en grade grâce à un travail remarquable, la plupart du temps ce travail n'est d'aucune utilité, mais parce qu'il est un maillon particulièrement obéissant et un bel exemple de la race aryenne.  L'histoire de la vie privée de Aue et de sa relation incestueuse avec sa soeur jumelle m'a semblée superflue et à mon avis dessert un peu le propos.  Décrire un homme plus ordinaire aurait donné plus de poids au récit.  A noter aussi à la fin du livre une scène - que je ne raconterai pas - tout à fait étonnante, décalée et inattendue, tellement inattendue qu'elle m'a fait éclatée de rire alors que le sujet ne s'y prêt pas.  Si j'avais la chance de rencontrer Little, je lui demanderais où il a été chercher une idée pareille et pourquoi (j'ai bien mon idée mais bon !).

Les Bienveillantes est donc vraiment un livre à lire (préférez l'édition grand format car même dans cette dernière l'écriture est plutôt serrée) tant il est dense, captivant et force à réfléchir, c'est à coup sûr un livre que je relirai un jour.

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